Un simple constat
Vous me pardonnerez peut-être ce titre racoleur si je vous dis que Windows Mobile va mal. Et cela s’avère être un euphémisme tant cet OS, comateux depuis quelques temps déjà avec moins d’1% de part de marché au niveau mondial, n’est même plus maintenu sous respiration artificielle depuis l’arrêt de la gamme Lumia. En fait, seuls quelques — rares — fabricants OEM (i.e., Original Equipment Manufacturer) tel que HP avec son Elite x3 se livrent encore à quelques expériences post mortem en direction du marché professionnel en attendant la suite. Parallèlement, Microsoft tente de l’embaumer avec quelques mises à jour de sorte à ne pas être totalement absent du marché et surtout à la seule fin de conserver sa maîtrise de la technologie radio sous processeurs ARM.
Conjointement à cela et de manière globale, le marché du smartphone arrive, lui, à saturation et surtout atteint la phase produit dite de la maturité avec des ventes qui commencent à stagner au niveau mondial. De son côté, la firme de Redmond ayant perdu la bataille du smartphone se prépare — à juste titre — pour le prochain virage technologique affectant le marché mobile dans son ensemble. Si les rumeurs persistantes se confirment, Microsoft travaille déjà sur sa prochaine réincarnation dans un terminal ultramobile avec non pas Windows 10 Mobile mais via Windows 10 sous ARM (qui pourrait d’ailleurs s'appeler Windows 10 pour Mobile).
Or, en attendant, nous restons dans un état transitoire qui n’est pas prompt à l’épanouissement de celui ou celle qui a investi dans l’écosystème Windows ou qui est tombé amoureux de la simplicité et de l’élégance de Windows Phone. Sans surprise, l’on constate, ici et là, la lassitude et la résignation de certains utilisateurs de Windows Phone et Windows 10 Mobile qui, déçus et gagnés par le pessimisme comme Arnaud, ont largement commencé à migrer vers Android ou iOS faute de visibilité quant au devenir du Système d’Exploitation.
Après la pluie vient le beau temps…
Après ce sombre état des lieux comment peut-on espérer voir Windows émerger à nouveau alors que la dernière mouture de l’OS du leader mondial du logiciel, utilisée tout de même par plus de 500 millions de personnes dans le monde, arrive, en nombre d'utilisateurs, bien après le Web (5 milliards), Android (2 milliards de terminaux) et iOS ? En d’autres termes, comment Windows peut-il remonter la pente sur le marché de la mobilité devenu dorénavant le point central de l’informatique ?
Serait-ce grâce au très attendu "Surface Phone" ? C’est possible mais cela ne se fera certainement pas juste avec un nouveau terminal même très innovant ! Car, le "coup" de l’iPhone ne semble définitivement pas si simple à reproduire.
Serait-ce grâce à une évolution de Continuum ? C’est possible mais l’on peut douter que cette seule fonctionnalité, même améliorée, plus raffinée et plus complète avec l’utilisation des applicatifs x86 transformées en UWA via le Desktop Bridge, puisse arriver à inverser le cours de choses.
Serait-ce grâce à Cortana, aux IA, aux bots ou au Cloud ? Cortana s’améliore constamment mais ne bénéficiant pas d’autant d’utilisateurs que Google Assistant, elle semble parfois avoir du mal à faire jeu égal avec la concurrence. Et cette dernière n’est pas en reste quant aux IA et aux bots avec un développement qui prendra, de toute façon, des années avant de supplanter complètement les apps. Donc, nous ne disposons probablement pas ici d’une technologie suffisamment mature pour faire la différence sur un marché ultra-compétitif où tout le monde semble vouloir être présent. L’on se rue déjà sur cette technologie comme l’on se ruait en leurs temps sur les projets les plus insensés du Web 1.0 à la recherche du dernier filon d’or. Celle-ci est certes différenciante — et bénéficie d'une adoption suffisamment rapide — mais les progrès technologiques vont prendre du temps... Quant au Cloud, c’est tout aussi vital pour Microsoft mais là aussi le groupe n’est pas le seul sur les rails bien qu’il regagne peu à peu le terrain perdu face à AWS.
Mais qu’en est-il des apps ? L’on nous bassine depuis des années et la sortie de Windows Phone 7 d’un certain « app gap » réputé — probablement à tort — comme étant le responsable majeur de l’échec de la plateforme mobile. Certes, un utilisateur normal (et, non, ce n’est décidément pas vous qui lisez cet article !) n’utilise tout au plus qu’une douzaine d’apps sur son smartphone mais s’il ne trouve pas celle dont il a besoin, il va sentir ce manque cruellement, qu’il y ait des alternatives ou non. Et ce n’est pas de voir les mentions "disponible sur Android et iOS" qui vont lui montrer le contraire et le décider pour un smartphone Windows… s’il en trouve déjà un !
Alors point de salut hors des fameuses apps ? Pourtant, l’on évoque de plus en plus un modèle post-app tant trop d’apps semblent tuer les apps et ainsi les revenus de nombres de développeurs… Reviendra-t-on au navigateur en se souvenant que les premières apps furent créées pour iOS parce que le navigateur d’Apple ne rendait pas correctement nombres de pages web ? Rien n'est moins sûr ! Mais qu’en est-il des PWA au juste ?
Pardon, vous avez dit 'PWA' ?
Maintenant, s’il est un domaine auquel le consommateur lambda n’a guère entendu parler (pour ne pas dire pas du tout), c’est celui des PWA — ou Progressive Web Apps — dont il n’a même pas été fait allusion pendant les Keynotes de la récente conférence //Build 2017 la semaine dernière. C’est dire la confidentialité actuelle — mais toute relative — du sujet !
Néanmoins, si l’on se réfère à la longue liste des sessions de l’édition 2017 de la //Build sur Channel 9 (toutes disponibles à la demande et via le téléchargement) l’on trouve quelques références aux PWA :
- The State of Progressive Web Apps
- Progressive Web Apps and the Windows Ecosystem
- Microsoft Edge: What’s new and what’s next for the web and web apps on Windows
Ainsi, l’on constate en définitive, que Microsoft a beaucoup parlé aux développeurs de ces Progressive Web Apps. Que sont-elles ? Pour faire court, une PWA n’est que la nouvelle formulation des Web Apps dont on parle maintenant depuis fort longtemps. Un développeur peut ainsi améliorer un site web via une technologie dite « progressive enhance » de sorte que ce même site web se transforme en PWA. Cette PWA fonctionnera aussi hors connexion tout en permettant l’usage des notifications push et une synchronisation du contenu en tâche de fond en fonctionnant basiquement comme une app tournant en natif sur Windows et d’autres plateformes.
Or, cela fait vingt ans que l’on nous parle de ces apps qui tourneraient partout et de manière universelle (qui se souvient ici des HTA ou HTML Applications ?). Alors quoi de nouveau sous la brume de Redmond me direz-vous ?
Et bien maintenant cette technologie commence à faire sens parce que ces web apps peuvent être utilisées dans différents environnements : les PWA fonctionneront bien dans un navigateur, probablement mieux sur un appareil mobile et à merveille sur un PC sous Windows 10. Et à cela il faut rajouter des spécificités techniques et plus particulièrement des fonctionnalités hors ligne sophistiquées.
Les PWA sur Windows 10
Sur Windows 10, les PWA ressembleront et fonctionneront — trait pour trait — comme de vraies applications c.-à-d. que vous ne verrez absolument rien qui ressemble de près ou de loin à une fenêtre d’un navigateur. En effet, ces PWA seront accessibles à partir du Windows Store et encapsulées via des containeurs Appx comme toute app UWP (i.e., Universal Windows Plateform) et pourront bénéficier de fonctionnalités UWP (Cf. ci-après). Pour l’utilisateur, il n’y aura aucune différence entre une PWA et une UWA (i.e., Universal Windows App). Mais en plus de tourner sous Windows 10, les PWA fonctionnent aussi dans votre navigateur et vos terminaux mobiles, s’adaptant automatiquement au format de l’écran comme un site web dit responsive. Dans les faits, les PWA se révèlent être de facto plus universelles encore que les apps UWP.
L’app Twitter sous Android et en tant que PWA. Laquelle est laquelle ?
Quelles fonctionnalités de Windows 10 et des apps UWP peuvent être utilisée par une PWA ?
En plus de pouvoir fonctionner hors connexion, les PWA peuvent tirer avantages des apps tournant nativement tout comme les applicatifs x86 portés en UWA via le Desktop Bridge. Au nombre de ces fonctionnalités, nous trouvons le support des notifications push et d’autres messages, le support des live tiles (i.e., les fameuses tuiles dynamiques), la synchronisation en tâche de fond, les changements d’état offline/online, les permissions, le support des interfaces tactiles et du stylo digitaliseur, la gestion du clipboard c.-à-d. du copier-coller et bien plus encore.
Flight Arcade est une PWA avec support du tactile multipoints, des manettes de jeu, même celles avec joystick et manette des gaz.
Et les PWA ont aussi quelques autres avantages. Par exemple, si vous naviguez sur une PWA à partir de votre navigateur, celle-ci pourra vous prévenir pour l’installer dans sa version UWP et ainsi bénéficier d’une meilleure expérience utilisateur. Ce n’est pas nouveau mais cela devrait tendre à se généraliser pour le bénéfice de tous tant ceci rendra les PWA beaucoup plus facilement trouvable qu’une app dans le Windows Store. Par ailleurs, le fait que les PWA soient des Web Apps permet d’envisager un téléchargement et un lancement rapide dès le premier démarrage tout en ajoutant des fonctionnalités par la suite en les téléchargeant plus tard.
Et pour quand est-ce donc ?
Aujourd’hui, Chrome et Firefox prennent d’ores et déjà en charge les PWA sur Windows 10. Cependant ce n’est pas encore le cas pour Edge et Windows 10 mais c’est pour bientôt car prévu avec l’arrivée de la Fall Creators Update cet automne. Vous trouverez d’ailleurs les fonctionnalités PWA supportées par les navigateurs (dont Edge) ici.
A terme à quoi pouvons-nous nous attendre ?
L’on peut considérer, qu’à terme, ces PWA replaceront nombres d’apps sous Android, iOS et Windows. Ces changements ne se feront bien évidemment pas du jour au lendemain. Toutefois, parce que les développeurs pourront écrire sous un unique standard, ils n’auront plus besoin de créer des solutions distinctes mais à développer une unique fois avant de distribuer partout... En effet, développer des apps pour deux ou trois écosystèmes et plusieurs plateformes a un coût important avec des équipes dédiées à chaque OS et au Web. C'est la raison majeure pour laquelle Windows Mobile est de plus en plus souvent délaissé. Ainsi, il n'y aura plus aucune raison pour ne pas pousser l'app aussi sur Windows et le Windows Store car il n'y aura plus guère de travail spécifique à y apporter si ce n'est l'ajout de fonctionnalités supplémentaires. Bref, c’est la fin de l’app gap annoncé et cela d'autant plus que Google commence aussi à promouvoir les PWA comme lors de la très récente conférence I/O 2017 ! Et l'on est légitimement en droit de penser qu'Apple y travaille aussi dans son coin.
Avec leur avènement inéluctable, les Progressive Web Apps vont ainsi changer la donne pour peu que l’on s'y soit préparé et que l'on dispose de l’écosystème et des matériels requis. Ainsi avec (1) un Windows 10 fonctionnant indifféremment sur n'importe quel appareil — sous processeurs Intel comme sous ARM — et sur une gamme s’étendant du desktop au laptop jusqu'à un format ultra-mobile de taille similaire à un smartphone, (2) un appareil 3-en-1 au format d'environ 6" pouvant se transformer en tablette et pouvant aussi faire fonction de micro-ordinateur de bureau via Continuum et (3) des apps à foison via le Desktop Bridge et les PWA, alors l'on pourrait voir notre OS favori renaître de ses cendres et trouver — enfin — les voies du succès dans un format ultramobile innovant.
Mais comme toujours, au-delà des idées, il faudra veiller à la bonne exécution de tout ceci. Et, connaissant la longue histoire de Microsoft à ce sujet, c’est peut-être ici que l’on peut émettre le plus de doutes…
In fine, et contrairement aux idées préconçues communément admises, l’on peut donc légitimement penser que le futur de Windows sur Mobile risque l’embellie et un retour en grâce de l’OS de Microsoft ! C’est en tout cas, ce que l’on peut souhaiter. A Microsoft maintenant de nous montrer ce qu’ils savent faire…
Pascal "Maelstrom" S.
Une question sur Windows 10, Windows 10 mobile ?
Source :
Microsoft
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